Aujourd’hui, nous nous penchons sur le livre Deep Work de Cal Newport. Quels enseignements peuvent en tirer les freelances ?
,Le livre de Cal Newport part d’un constat simple : demain, plus que jamais, ceux qui réussiront seront ceux capables de travail profond (Deep Work), c’est-à-dire un mode de travail mono-tâche, ultra concentré, sans aucune interruption.
Il s’agit d’augmenter notre capacité à apprendre des choses difficiles en peu de temps.
Les grands génies dont les œuvres sont arrivées jusqu’à nous pratiquaient déjà le travail profond en s’isolant pendant de longues périodes.
Ce mode de travail profond devient encore plus important aujourd’hui pour deux raisons :
Notre attention est sous pression comme jamais. Les réseaux sociaux, l’immédiateté de l’information et des échanges, l’omniprésence de terminaux et d’interfaces qui nous suivent du réveil au coucher et nous poursuivent jusque dans l’intimité des toilettes, les notifications en tout genre… Tout cela nous met une pression sans précédent auquel nous devons apprendre à résister sous peine de dissolution cognitive.
De plus en plus de tâches sont automatisées ou automatisables, et nous n’en sommes encore qu’au début… L’intelligence artificielle, les algorithmes et le machine learning prennent le relais des robots d’acier des temps modernes. Des métiers considérés aujourd’hui comme des métiers qualifiés à forte valeur ajoutée vont disparaître, ou tout au moins se transformer. Seuls les professionnels ayant réussi à développer des expertises non-automatisables pourront sortir leur épingle du jeu. Qu’il s’agisse de maîtriser ces machines intelligentes ou de créer ce qu’elles ne sont pas capables de créer… Or ces tâches créatives sont précisément celles qui exigent un travail profond.
POUR LES FREELANCES, LE TRAVAIL PROFOND EST CE QUI FERA LA DIFFÉRENCE ENTRE LE STATUT DE PRESTATAIRE INTERCHANGEABLE ET CELUI D’EXPERT IRREMPLAÇABLE.
La question de l’attention
L’ennemi numéro un du travail profond est la distraction. Le travail profond implique une pratique délibérée pour reprendre le concept développé par Malcolm Gladwell dans son livre Outliers. La pratique délibérée d’une seule tâche permet au cerveau d’isoler l’activité neuronale associée, et de créer de nouveaux réseaux de neurones spécifiques à la réalisation de cette activité. Avec le temps, la tâche deviendra plus facile et plus naturelle.
Cal Newport développe aussi le concept d’attention résiduelle. L’attention résiduelle est cette part de notre attention qui reste attachée aux tâches précédentes et qui vient miner l’attention à la tâche présente. Véritables hommes-orchestres ou femmes-fanfares, les freelances sont particulièrement exposés à ce risque.
L’AUTEUR NOUS INVITE À FAIRE LA DISTINCTION ENTRE LE FAIT D’ÊTRE OCCUPÉ (BUSY) ET LE FAIT D’ÊTRE PRODUCTIF.
Pour différents raisons que nous n’approfondirons pas ici, on associe volontiers le fait d’être busy, avec le fait d’être productif. On a tous en tête la figure du cadre ultra pressé courant d’un rendez-vous à l’autre, passant son temps dans l’avion pour assister à d’immanquables réunions. Toujours busy, jamais disponible, rarement concentré, il n’est certainement pas un modèle de productivité. Le signe de la productivité, au contraire, est l’isolement, aussi bien géographique que numérique.
À lire → LES 7 TEMPS DU FREELANCE
Les différents modes de travail profond
L’auteur distingue quatre modes de travail profond :
1 – Le mode monastique.
Le mode monastique est la version la plus radicale. On s’isole de préférence loin des villes, pour supprimer toutes les distractions et se consacrer entièrement à son travail. Cette version extrême est difficilement applicable par des freelances qui doivent quand même rester connectés au reste du monde.
2 – Le mode bi-modal
Le mode bi-modal consiste à alterner de longues phases de travail profond avec des phases de travail plus superficiel. L’auteur prend l’exemple de Carl Jung qui alternait des phases de plusieurs mois dans une cabane en forêt pendant lesquelles il travaillait sur ses théories, avec des phases sociales à Zurich, où il rencontrait ses pairs, donnait des conférences et faisait la promotion de son travail. Le mode bi-modal peut convenir à certaines tâches comme l’écriture ou la recherche, mais cela reste un luxe que peu de freelances peuvent se permettre du fait des nombreuses contingences de la vie quotidienne (famille, logement, sollicitations clients…)
3 – Le mode rythmique
Il s’agit ici de couper sa journée en deux, avec par exemple, le matin, une phase dédiée au travail profond et l’après-midi, une phase de travail consacrée aux autres activités (mails, calls, petites taches isolées devant être traitées rapidement…). Selon l’auteur, elle est moins efficace que le mode bi-modal, mais correspond mieux aux contraintes de la vie de freelance.
4 – Le mode journalistique
Les journalistes ont cette particularité qu’ils doivent être capables de s’isoler pour écrire sans distraction tout en restant disponibles à l’événement qui reste la matière première de leur travail. Le mode journalistique consiste à passer en travail profond dès que l’on a un moment de libre pour cela. L’auteur déconseille ce mode pour les novices. Pour être capable de fonctionner selon le mode journalistique, il faut d’abord avoir développé sa capacité à se concentrer en travaillant selon les modes précédents. La capacité de concentration est comme un muscle que l’on développe par une pratique régulière.