Ils se disent plus libres mais le statut d’indépendant ou de libéral a un prix. Travailleurs non-salariés, ils privilégient souvent la santé de leur entreprise au détriment de la leur.
En France, plus d’une personne sur dix exerce son métier en dehors d’un contrat salarié. Le statut de freelance n’est pas sans conséquence sur la santé. Les personnes s’engageant dans des activités professionnelles indépendantes ont tendance à être, au départ, en meilleure santé que les salariés, analyse l’économiste Alain Paraponaris, coauteur d’une enquête sur le sujet. Mais cet avantage sanitaire initial se dégrade au cours de leur carrière. Quand ils se retirent de leur activité, ils sont généralement en moins bonne santé que les salariés.
Cet enseignant-chercheur à l’Université d’Aix-Marseille étudie, depuis plusieurs années, l’état de santé selon leur branche professionnelle. En 2019, il s’est intéressé aux survivants du cancer : Les travailleurs non-salariés sont ceux qui pâtissent le plus de la maladie, tant en trajectoire professionnelle qu’en impact sur la santé et en perte financière.
Sans complémentaire santé
Sauver leur société, quitte à sacrifier leur santé. C’est ce que font de nombreux travailleurs indépendants. Leur consommation de soins est moindre. Ils ne se rendent pas aux check-up réguliers ou refusent les quelques jours d’hospitalisation quand c’est nécessaire »
, liste Alain Paraponaris.
Maylis exerce son métier d’orthophoniste en libéral depuis septembre 2019. En trois ans et demi, elle a parfois été malade, mais elle ne s’est arrêtée que deux fois, pour une extinction de voix et une grippe la clouant au lit. Même quand je ne me sens pas bien, je préfère ne pas louper une journée de boulot, pour des raisons financières et parce que je culpabilise de laisser mes patients »
, raconte-t-elle. La première année, cette Parisienne a exercé sans complémentaire santé. Quand on est jeune, on se dit qu’on est en bonne santé et qu’on n’en a pas besoin.
« Je gardais un œil sur mes mails »
C’est certain, la vie est plus confortable quand on est salarié. L’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle est difficile à trouver car on ne coupe jamais vraiment et c’est une grande charge mentale ! Pour mon congé maternité, j’ai pris seulement un mois,
témoigne Gwendoline, cofondatrice de l’atelier végétal Kaki Paris. Même si j’ai un associé, l’idée de tout laisser me paniquait. J’ai arrêté cinq jours avant l’accouchement. À la maternité, je gardais un œil sur mes mails. J’ai eu de la chance, j’ai accouché en été, mes trois semaines d’arrêt coïncidaient avec la fermeture annuelle de l’entreprise. Quand tu es salarié, en cas d’absence, ton équipe prend le relais. Quand tu es à ton compte, tu es seule avec toi-même.
Quand je suis malade, il faut vraiment que je sois au fond du lit pour ne pas travailler.
Selon le syndicat Union-Indépendants, 79 % des travailleurs non-salariés ont une complémentaire santé et seulement 46 % souscrivent en plus à un contrat privé pour bénéficier d’indemnité en cas de perte d’activité, l’équivalent du chômage pour les salariés. 50 % des indépendants travaillent plus de quarante heures par semaine et 28 % plus de cinquante heures. Pour Thomas Aonzo, président du syndicat, en devenant leur propre patron, les indépendants sont plus satisfaits, ce qui explique qu’ils travaillent davantage et plus longtemps »